Courir sans fin ou avancer avec grâce ?
- Lila
Les agendas bien remplis sont devenus le badge honorifique des temps modernes. Selon une étude Ipsos de 2022, 72 % des Français ressentent régulièrement le poids d’un « manque de temps » pour leurs activités personnelles (source : Ipsos, 2022). Plus que jamais, trouver le bon rythme tient presque de l’alchimie. Mais désencombrer son emploi du temps, ce n’est pas tout balayer d’un geste rageur. C’est, au contraire, un travail de dentelle. Un art subtil, fait de petites décisions, de réglages presque imperceptibles, mais qui changent tout.
Pour renouer avec sa propre temporalité, il ne s’agit pas d’abandonner ses responsabilités ou de cultiver un égoïsme saboteur. Il s’agit de choisir, de réorienter et, surtout, de réapprendre à dire oui à ce qui compte vraiment.
Mais pourquoi nos journées débordent-elles ?
- Lila
Il suffit de tendre l’oreille lors d’un déjeuner ou en salle d’attente pour entendre la fameuse rengaine : « J’ai pas une minute à moi ! » Notre emploi du temps s’enfle, et parfois jusqu’à l’asphyxie. Plusieurs facteurs jouent les trouble-fête :
- L’hyperconnexion : Selon le Baromètre du numérique 2023, un Français consulte en moyenne son smartphone plus de 150 fois par jour (source : ARCEP). Ce temps “caché” s’ajoute insidieusement.
- Le “syndrome de la boîte mail” : Une étude McKinsey évalue que nous passons 28 % de nos heures travaillées à lire, trier ou répondre à des emails. Autant de petites coupures qui hachent la journée.
- L’injonction sociale à la productivité : Plus que d’être occupé, il s’agit parfois aussi de le paraître… Un réflexe hérité d’une société qui valorise la “to-do list” interminable, selon le sociologue Hartmut Rosa, spécialiste de l’accélération du temps.
Détecter le vrai encombrement : questionner son temps, pas seulement ses objets
- Lila
On parle souvent de “désencombrement” pour ses placards (Marie Kondo n’a qu’à bien se tenir !), mais qu’en est-il de son agenda ? Prendre une heure pour interroger ses semaines permet déjà d’y voir plus clair. Quelques pistes pour partir en exploration :
- Tenir un journal de temps pendant 3 jours : Notez, sans tricher, toutes vos activités, même celles qui vous paraissent anodines (scroll dans le métro, discussions WhatsApp, attente au supermarché).
- Identifier les “fuites temporelles” : Les moments où l’on fait beaucoup, mais où rien ne se termine vraiment. Les notifications, les bavardages de bureau ou le multi-tâche en sont de bons exemples.
- Repérer les tâches qui vous “abîment” : Celles qui plombent l’énergie, sabotent la concentration ou engendrent du stress sans valeur ajoutée réelle.
Pas question d’être dans la culpabilité. Observer avec curiosité, c’est déjà le début du changement. Selon l’Observatoire de la Parentalité et du Travail, 45 % des actifs déclarent que le plus grand frein à leur équilibre est… la mauvaise gestion des priorités.
Redessiner la carte de ses priorités
- Lila
Vous êtes la seule à pouvoir donner la boussole à votre temps. Mais comment savoir ce qui compte le plus ? Quelques méthodes éprouvées, testées et approuvées même par les plus overbooké·es :
- La matrice d’Eisenhower : Elle distingue ce qui est urgent de ce qui est important. Une tâche urgente mais non importante ? À déléguer ou à reporter. Une tâche importante mais non urgente ? À planifier avant qu’elle ne devienne critique.
- Le “life audit” : Noter sur une feuille les domaines de sa vie (travail, santé, famille, passions, etc.), puis attribuer une couleur ou un score à chaque sphère selon l’énergie dépensée… et souhaitée. On note bien souvent que nos emplois du temps ne correspondent pas à ce qu’on voudrait vraiment vivre.
- La règle du “pas plus de trois” : Ne prévoir que trois tâches essentielles par jour. Cela permet de rester centré·e et de ressentir l’avancée, même au milieu du tumulte.
Selon une enquête menée par l’Université de Stanford (2018), le multitâche ferait baisser l’efficacité de 40 % et augmenterait le stress ressenti. Redéfinir ses priorités, c’est donc s’offrir un vrai bol d’air.
Petits gestes, grands effets : routines et astuces pour un temps plus aérien
- Lila
Alléger son agenda ne passe pas (toujours) par des décisions radicales. Parfois, il suffit d’un réajustement.
- Batcher ses tâches : Réunir des missions similaires — répondre aux emails, traiter la paperasse, préparer à l’avance les repas — évite la dispersion. C’est la technique préférée des “zero inbox” et les adeptes de la méthode “Getting Things Done”.
- Définir des créneaux protégés : De vrais rendez-vous avec soi : lecture, promenade, sport, sieste… Non négociables et respectés comme une réunion importante.
- Désactiver (autant que possible) les notifications : D’après une étude de l’Université de Californie (Gloria Mark, 2023), il faut 23 minutes pour retrouver sa concentration après une interruption numérique. Fermer la parenthèse numérique, c’est offrir une bulle à son cerveau.
- Oser reporter, déléguer, ou… refuser : Pas toujours facile, mais salvateur. Un “non” clair aujourd’hui vaut mieux qu’un “oui” rongé par la frustration demain.
Étonnamment, “faire moins” ne veut pas dire “vivre moins”, bien au contraire. L’Institut national du sommeil et de la vigilance rappelle que la récupération, les pauses et le temps libre favorisent la créativité, la mémoire et la santé mentale.
Les pièges à éviter : désencombrer n’est pas s’isoler
- Lila
Vigilance, toutefois, sur certaines fausses bonnes idées. Refaire entièrement son planning peut mettre en péril ce qui fait la sève du quotidien :
- Attention à l’agenda trop minimaliste : Vivre “light” ne signifie pas escamoter l’imprévu, ni sacrifier les moments de partage.
- Ne pas oublier les “temps morts” : Laisser de la place à la spontanéité pour laisser émerger les vraies envies du moment… et les plages de rêverie (les neurosciences montrent que l’ennui stimule la créativité, selon une étude de l’Université de Central Lancashire).
- Rester à l’écoute de son énergie cyclique, de ses saisons personnelles : Il y a des jours pleins, d’autres creux, et l’important est de savoir ajuster ses exigences.
Questions-guides pour désencombrer son agenda, pas à pas
- Lila
Voici, pour cheminer concrètement, des questions à se poser chaque semaine ou chaque mois :
- Quelles activités me coûtent de l’énergie, sans m’apporter de joie ?
- Lesquelles nourrissent mon équilibre, mon envie d’être là, ici et maintenant ?
- Ma journée reflète-t-elle (vraiment) mes priorités profondes ?
- Quelles obligations pourrais-je alléger, aménager ou partager ?
- Où puis-je m’offrir du temps de respiration (une plage blanche, un “non-agenda”) ?
Parfois, ce simple questionnement suffit à faire émerger de petites zones de friction qui, une fois apaisées, rendent la vie plus coulante.
Alléger son temps, c’est retrouver de l’espace (et un peu de soi)
- Lila
Un emploi du temps plus fluide, ce n’est pas cocher moins de cases, c’est choisir mieux ce qu’on y met. C’est comme réagencer une pièce : enlever un meuble, bouger deux lampes, et, soudain, la lumière circule différemment. Selon le psychiatre Christophe André, “être occupé n’a jamais empêché le sentiment de vide ; peut-être même est-il son principal carburant”. Le vrai luxe, aujourd’hui, c’est de retrouver de la place… pour soi, pour ses proches, pour respirer et rêver.
Alléger son temps, c’est renouer avec le plaisir de l’inattendu, de l’ennui délicieux après lequel surgissent l’inspiration et la disponibilité. C’est aussi, parfois, accepter de rater, de ne pas être partout, mais de bien être où l’on est.
Et si, cette semaine, on essayait de laisser (un peu plus) de place à ce qui compte, de laisser couler tout le reste ?
Pour aller plus loin (curiosités et ressources)
- Lila